Deux ans après l'entrée en vigueur de la loi Lemoine, l'ouverture du marché de l'assurance emprunteur à la concurrence n'a pas produit l'effet escompté. Promesse d'économies substantielles, protection renforcée des emprunteurs fragilisés... malgré quelques avancées perceptibles, de nombreux obstacles subsistent, notamment en ce qui concerne la délégation d'assurance. Les détails dans cet article.

Assurance emprunteur : bilan mitigé pour la libéralisation du marché

La substitution d'assurance : un progrès en trompe-l'œil

Bien que la simplification des démarches administratives ait facilité le changement d'assurance en cours de prêt, force est de reconnaitre que le constat demeure nuancé. Car si le CCSF se félicite d'une meilleure acceptabilité des demandes de substitution par les banques, les données statistiques « calment » cet enthousiasme. En effet, la croissance de la part des assurances externes reste modeste, passant de 15,3 % en 2021 à 16 % en mai 2023.

L'accès à la substitution d'assurance reste inégal.

Seuls les ménages les plus aisés, bénéficiant d'un profil de risque attractif et d'une réelle capacité de négociation, parviennent à obtenir une délégation d'assurance dès la signature du prêt.


Pour les autres, la substitution devient l'unique option après un parcours semé d'embûches.

La délégation d'assurance : un véritable parcours du combattant

La délégation d'assurance, censée favoriser la concurrence dès la phase de souscription du prêt, se révèle problématique pour la plupart des emprunteurs. Elle ne représente aujourd'hui que 7,5% des nouveaux crédits, deux fois moins que la part des contrats alternatifs sur les crédits en cours.

Et face à la « quasi-monopole » des banques, les courtiers et les acteurs alternatifs se heurtent à de nombreux écueils :

  • allongement des délais de traitement,
  • exigences administratives superflues,
  • voire refus injustifiés.

Un découragement pour les emprunteurs, contraints de se contenter du contrat proposé par leur banque, souvent plus onéreux.

Les clauses d'exclusion : un piège pour les emprunteurs fragilisés

La suppression du questionnaire médical pour les prêts inférieurs à 200 000 € représente indéniablement une avancée sociale. Cependant, cette mesure s'accompagne d'un revers : l'introduction de clauses d'exclusion dans les contrats d'assurance emprunteur.

Ces dispositions ont pour but d'exclure de la couverture les pathologies antérieures à l'adhésion, ce qui prive les emprunteurs déjà fragilisés d'une protection essentielle. Un double préjudice pour ces populations, celui de la maladie et celui d'une assurance défaillante.

A retenir
  • Bien que l'ouverture du marché de l'assurance emprunteur ait été accompagnée de progrès significatifs, des défis subsistent quant à la pleine réalisation des objectifs visés.
  • La concurrence peine à se mettre en place, laissant les emprunteurs face à leur sort.
  • Pour que l'ouverture du marché devienne une réalité, des mesures supplémentaires telles qu'un encadrement plus strict des pratiques des banques et le renforcement du pouvoir de négociation des emprunteurs sont nécessaires.