Débuté il y a 12 ans, avec la « loi Lagarde », le processus de libéralisation de l'assurance emprunteur vient, normalement, de s'achever avec la publication de la loi du 28 février 2022. Désormais, toute personne ayant contracté un crédit immobilier peut résilier à tout moment et sans frais son contrat d'assurance.
Une condition doit cependant être respectée : celle de substituer à l'ancienne assurance, par le biais de ce que l'on nomme une délégation d'assurance, une nouvelle formule à garanties équivalentes. On notera que l'assuré doit être informé tous les ans de son droit à résiliation infra-annuelle et connaître le coût de son assurance pour 8 ans.
Une résistance bancaire jusqu'au bout.
La nouvelle loi s'appliquera dès le 1er juin 2022 pour les nouvelles offres de prêts et à partir du 1er septembre 2022 pour les contrats d'assurance en cours. Elle a été conquise de haute lutte sur les banques, par les assureurs dits alternatifs, compagnies d'assurances traditionnelles et mutuelles. Depuis plus de 10 ans, certains établissements bancaires ont en effet opposé une résistance farouche à cette ouverture à la concurrence.
La possibilité de résilier son assurance emprunteur à tout moment suffira-t-elle à faire bouger les lignes sur ce marché de 7 à 8 milliards d'euros détenu à 80 % par les établissements bancaires, en permettant aux assureurs alternatifs de se faire une meilleure place ? Seul l'avenir le dira en sachant que les banques conservent une position privilégiée avec le pouvoir ultime d'accorder les crédits.
Sélection médicale, un pas en avant pour les assurés…
Reste que le meilleur de la loi Lemoine, pour ne pas dire l'inattendu, ne réside pas dans la résiliation infra-annuelle, mais dans les évolutions relevant de la sélection médicale, un aspect important et jusqu'à présent assez occulté par la guerre des prix à laquelle se livraient les banques et les assureurs alternatifs.
A compter du 1er juin 2022, la sélection médicale est supprimée pour tous les candidats qui contractent un prêt d'un montant inférieur à 200 000€ (soit 400 000 € pour un couple) à partir du moment où le remboursement s'effectue avant leur 60ème anniversaire. La mesure est pleinement efficace pour les emprunteurs jeunes, cibles privilégiées des assureurs alternatifs.
Cette nouveauté pour l'assurance emprunteur se couple avec un raccourcissement important de ce que l'on nomme « le droit à l'oubli » pour les personnes ayant été atteintes d'un cancer ou d'une hépatite C. Celles-ci n'auront plus à déclarer leur ancienne maladie dans le questionnaire de santé cinq ans après la fin de leur protocole thérapeutique, sauf en cas de rechute. Auparavant, ce délai était de dix ans, à l'exception du cas particulier des cancers découverts avant l'âge de 21 ans.
…mais qui complexifie la tâche de l'assureur.
Ces mesures favorables au consommateur sont une victoire pour les associations de malades. Les assureurs, en revanche, n'étaient pas demandeurs de telles dispositions qui va les conduire à ne plus pouvoir « trier » toute une population d'assurés et à devoir accepter de mauvais risques.
Jusqu'à présent, le cadre légal permettait une forte segmentation dans laquelle, schématiquement, les jeunes en bonne santé bénéficiaient de tarifs généreux alors que les personnes souvent plus âgées et ayant des problèmes de santé étaient contraintes de s'assurer au prix fort.
D'une certaine façon, les parlementaires ont cherché à rééquilibrer le marché qui va devoir se réadapter. Beaucoup d'assureurs estiment que les hausses de tarifs sont inéluctables compte tenu de l'augmentation probable du nombre de sinistres, mais, certains estiment que celles-ci ne devraient pas durer. D'autres opérateurs s'interrogent sur le refus d'assurer les prêts inférieurs à l'enveloppe de 200 000 €. D'autres, enfin, pensent à se retirer du marché. Il va donc falloir attendre un peu, le temps que chaque acteur fasse ses calculs.
Le vrai sujet : la compréhension des garanties et des exclusions
Les avancées en matière de sélection médicales devraient offrir deux principaux avantages. Le premier sera de permettre à des particuliers de s'assurer et donc d'investir dans l'immobilier plus facilement en permettant aux anciens malades de ne plus avoir à supporter de surprimes voire des refus d'assurance. Le second sera d'éviter certains contentieux, toujours aussi nombreux, autour de la mauvaise ou de la fausse déclaration médicale.
En revanche, elles ne lèvent pas toutes les difficultés liées à l'assurance emprunteur. Cette dernière, comme d'ailleurs l'ensemble des contrats de prévoyance garantissant à la fois le décès, l'invalidité et l'arrêt de travail, est un instrument complexe qui réclame une vraie explication, côté distributeur, et une bonne compréhension, côté emprunteur. Exclusions, délais de franchises, nature des garanties (indemnitaires ou forfaitaires) ou encore taux d'invalidité, sont autant de pièges que l'assuré emprunteur doit savoir déjouer.
C'est donc bien au niveau du conseil en amont que se situe l'action la plus importante pour apporter la protection maximale en cas de décès ou de maladie. Il en va de la sécurité, du niveau de vie et de l'avenir du cercle familial. Changer d'assurance emprunteur, oui, mais pour une meilleure…et pas forcément pour une moins chère. Sinon, cela n'a strictement aucun intérêt.