Le 21 février 2017, après plusieurs rejets, la résiliation annuelle de l'assurance-emprunteur a été définitivement votée et l'entrée en vigueur de cette nouvelle disposition a été fixée au 1er janvier 2018. Depuis, les acteurs bancaires (banques et bancassureurs), majoritaires sur ce marché et les assureurs se livrent une bataille autour de la résiliation de l'assurance-emprunteur.
Quels sont les arguments des banques ?
Les banques et bancassureurs, réunis au sein de la FBF (Fédération bancaire française), ont mis en avant la rétroactivité de l'article 10 de la loi du 21 février 2017 pour s'opposer à l'entrée en vigueur de cette nouvelle mesure, censée être bénéfique pour les consommateurs.
En effet, à compter du 1er janvier, tout emprunteur pourra résilier et changer son assurance-crédit chaque année et cela même pour les emprunts contractés avant le 21 février dernier. C'est cette application de la loi à tous que la FBF a déclaré être « inconstitutionnelle par rapport aux principes de mutualisation et de répartition des risques ».
Pour comprendre l'argument, il faut s'intéresser aux contrats d'assurance proposés par les banques. Il s'agit de contrat « de groupe » et non des contrats individuels. Pour les banques, l'équilibre de ces contrats repose sur le principe même de la mutualisation des risques. Au nom de ce principe, il est normal que les plus aptes paient un peu plus pour couvrir les éventuelles défaillances des emprunteurs plus « à risque ».
Avec la résiliation annuelle et sa rétroactivité, ils craignent que les emprunteurs ayant un bon profil (jeunes, en bonne santé, cadres etc) désertent les contrats de groupe actuels pour se tourner vers des contrats individuels éventuellement moins chers. La FBF invoque ici un déséquilibre économique à moyen et long terme des contrats de groupe au détriment des emprunteurs qui ne pourront pas se tourner vers des assureurs.
Risque réel de démutualisation ou volonté de conserver le monopole ?
Pour les compagnies d'assurance, qui se réjouissent de l'ouverture de ce marché, l'argument des banques est particulièrement faible. Elles invoquent surtout une volonté de continuer à capter plus de 85% du marché de l'assurance-emprunteur, marché qui représente plusieurs milliards d'euros par an.
Pour les compagnies d'assurance, il est possible de mettre dans la balance le caractère d'intérêt général de la résiliation annuelle. Cet intérêt général permettrait de porter atteinte à des principes garantis et protégés par la Constitution pour un renforcement des droits des emprunteurs. Les assureurs dénoncent plutôt une volonté pour les banques de conserver un certain monopole d'un marché conséquent au détriment des consommateurs.
Les assureurs sont soutenus par le gouvernement français qui espère également voir confirmer cette mesure ouvrant une plus grande concurrence au bénéfice du consommateur. Ainsi, le représentant du Premier Ministre a également été entendu par le Conseil Constitutionnel.
Le Conseil Constitutionnel tranchera le débat le 12 janvier
Le Conseil Constitutionnel, après avoir été saisi par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposé par la FBF cet été, a annoncé que sa décision interviendra le 12 janvier 2018. Il tranchera donc le débat entre la FBF et les compagnies d'assurance.
Le calendrier semble légèrement hasardeux car n'oublions pas que la résiliation annuelle entrera en vigueur dès le 1er janvier. Il y aura donc une période de 11 jours pendant laquelle les emprunteurs pourront invoquer ce droit et mettre un terme à leur assurance-emprunteur pour choisir des contrats plus avantageux. Mais qu'adviendra-t-il de ces demandes si le Conseil Constitutionnel décide d'abroger la disposition ? Réponse le 12 janvier.