Quand l’assurance habitation prend ses quartiers de trêve hivernale

La période est souvent redoutée par les propriétaires confrontés au non-paiement de leurs loyers ou qui voient un de leurs logements vacants être occupé illégalement par des squatters. On ne peut que conseiller aux assurés de questionner leurs assureurs sur l'étendue des garanties souscrites.

Trêve hivernale et assurance habitation

En ce 1er novembre, a débuté la trêve hivernale, période durant laquelle les procédures d'expulsion d'un locataire par son propriétaire sont suspendues. Elle durera pendant les cinq mois les plus froids de l'année, soit jusqu'au 31 mars prochain. Cette trêve hivernale a cependant ses limites dans la mesure où elle ne s'applique pas dans plusieurs situations (lorsqu'il existe une solution de relogement pour le locataire, lors d'une procédure de divorce si les époux sont en désaccord ou bien en cas de violences dans un couple). Les squatteurs, eux non plus, ne sont pas protégés par la trêve hivernale. Néanmoins, l'actualité révèle que ces dispositions légales à leur encontre sont parfois difficiles à faire respecter. La récente loi du 27 juillet 2023 destinée à mieux réprimer les squatteurs atteste que les pouvoirs publics sont attentifs à ce phénomène. Face à cet environnement, les propriétaires ont intérêt à bien connaître leurs couvertures d'assurances.


Des risques élevés pour les propriétaires

Pour le propriétaire d'un bien immobilier, il convient de distinguer deux risques. Le premier concerne son propre bien qui peut être détruit en cas d'incendie. « Dans ce cas, le propriétaire, ou son assureur, pourra exercer un recours contre le locataire sur le fondement de l'article 1733 du code civil, qui lui impose de répondre des conséquences de l'incendie. Le recours sur ce fondement reste possible même si le locataire a cessé de payer son loyer. Pour les autres dommages, comme le dégât des eaux, un recours contre le locataire est possible sur le fondement des articles 1732 du code civil et 7 de la loi de 1989, mais il est plus complexe, car le locataire pourra s'exonérer plus facilement de sa responsabilité. Pour ce qui concerne les squatters, les présomptions de responsabilité ne s'appliquent pas. Le recours du propriétaire est possible, mais à la condition de prouver la faute du squatteur ou sa qualité de gardien d'un objet à l'origine du dommage. De plus, ce recours est illusoire, car il est peu probable que le squatter soit solvable », explique Nicolas Ciron, avocat associé du cabinet NCS Avocats.

Le second risque est celui de voir sa responsabilité civile recherchée en cas de dommages causés à des tiers. « Par principe, un propriétaire est responsable des dommages causés par sa propriété. Toutefois, il pourra s'exonérer de sa responsabilité s'il parvient à prouver que le dommage est imputable à quelqu'un d'autre. Cependant, cette exonération peut ne pas être totale. Il a pu être admis par certains tribunaux un partage de responsabilité entre un squatter et un propriétaire, en reprochant à ce dernier de ne pas avoir pris toutes les dispositions pour empêcher l'accès au logement, retenant ainsi une négligence de sa part », poursuit Nicolas Ciron.

L'assurance propriétaire non occupant en première ligne

Depuis 2015, le (co)propriétaire non occupant doit s'assurer contre les risques pour lesquels sa responsabilité est susceptible d'être recherchée envers ses locataires, les voisins et les tiers. Cette couverture figure dans les polices d'assurance propriétaire non occupant (PNO) ou bien est incluse dans les multirisques habitations des propriétaires. L'assurance PNO est dédiée aux propriétaires qui, comme son nom l'indique, n'occupent pas leur bien. Elle leur permet de protéger leur logement lorsque celui-ci est vacant, loué, ou prêté à titre gratuit. Le propriétaire détient ainsi une assurance dommage et responsabilité qui peut intervenir lorsque certains sinistres ne sont pas assurés par les assurances habitation des locataires ou lorsque ces derniers ont quitté le logement. Rappelons que le locataire doit en principe être assuré et présenter chaque année au bailleur son attestation d'assurance, mais il arrive que celui-ci cesse de payer son assurance en même temps que ses loyers (La loi ALUR de 2014 permet aussi au bailleur de souscrire une assurance pour le compte du locataire, lorsque ce dernier ne satisfait pas cette obligation.). L'assurance PNO n'est pas obligatoire pour les propriétaires de résidences individuelles, mais elle est fortement conseillée.


L'assurance jouera-t-elle en cas de squatt ? « En cas de sinistre, le propriétaire pourra mobiliser sa propre assurance, tant dommage que responsabilité civile, et pour ce qui concerne les particuliers, ces garanties ne sont en général pas très restrictives et n'imposent pas des conditions strictes de garantie », estime Nicolas Ciron. Mais il faut être prudent car « bon nombre de compagnies d'assurances n'acceptent pas de garantir dans leurs contrats PNO l'inoccupation totale de l'immeuble pour éviter tout risque de squatt. Or dans la plupart des cas le squatt intervient à l'occasion d'une inoccupation prolongée et dans ce cas l'assureur pourra donc opposer une non garantie du fait de l'inoccupation » détaille Olivier Audibert, agent général d'assurance à Draguignan.

De même, « lorsque le propriétaire retrouve sa résidence principale occupée, à son retour de congés par exemple, on peut considérer qu'il s'agit d'une intrusion illégale. L'assureur pourra alors intervenir sur les premiers dommages, c'est-à-dire l'effraction, la détérioration et le vandalisme mais cela restera limité en montant.», poursuit le professionnel. Comme dans tous les contrats d'assurance, il convient alors de vérifier le niveau des couvertures et exclusions de garanties et être le mieux conseillé.

Les couvertures protection juridique et garanties loyers impayés ne sont pas à négliger

Les recours pour déloger un locataire mauvais payeur et, encore pire, un squatteur, peuvent être longs et couteux. C'est pour cette raison que les contrats PNO intègrent une couverture protection juridique, en inclusion ou en option, en plus des garanties dommages et responsabilité civile. Attention cependant aux montants qui peuvent être plafonnés et insuffisants. Une police d'assurance protection juridique autonome peut présenter de meilleures garanties dans des cas aussi difficiles que celui de l'occupation non autorisée d'un immeuble.


Pour les bailleurs, il existe toujours la solution de souscrire une assurance pour les loyers impayés qui couvre aussi les charges locatives en cas de défaut du locataire, ainsi que dans certains cas, les dégradations commises par ce dernier. La garantie loyer impayé, comme la protection juridique peut être incluse dans un contrat PNO mais il convient aussi de prendre garde aux conditions de garanties. Une fois de plus, une police spécifique peut-être plus adaptée.

Les assureurs vont devoir être inventifs

Trêve hivernale ou pas, les risques de loyers impayés et surtout d'occupation illégale des immeubles sont des risques croissants. Si la sinistralité devait se dégrader les assureurs pourraient réagir défavorablement en ce qui concerne l'assurabilité du secteur. La situation pourrait évoluer si le nombre d'occupations illégales devait exploser avec des assureurs des propriétaires qui ne pourraient plus exercer efficacement leurs recours. Des clauses semblables à celles qui existent dans les contrats d'assurances d'entreprises pourraient être introduites, comme la mise en place de dispositifs de prévention, avertit Nicolas Ciron.

Cependant, certaines entreprises innovent dans le domaine des garanties impayées et de l'occupation illicite. Tout récemment, un acteur important du courtage d'assurance a lancé sur le marché un contrat spécifique permettant le versement des loyers qui auraient été encaissés par les propriétaires en présence d'un locataire titulaire d'un bail si l'immeuble n'avait pas été occupé illégalement par des squatters. La garantie indemnise le bailleur jusqu'à ce qu'il reprenne les lieux dans la limite d'un certain montant et prend en charge les frais de procédure et d'expulsion. On peut donc espérer une évolution du marché.