Recel de succession et assurance-vie
À l'occasion d'une décision rendue le 16 mars 2016 la Cour de cassation est venue rappeler l'application de sa jurisprudence concernant l'assurance-vie et le recel successoral.
La solution a été prononcée à l'occasion d'un litige opposant les héritiers d'une personne décédée et sa veuve bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie souscrit par ce dernier.
Les deux fils réclamaient le rapport à la succession des primes versées par leur père au titre d'un contrat d'assurance-vie qu'il avait souscrit et dont sa veuve était bénéficiaire. Ils réclamaient aussi que cette dernière soit condamnée, au visa de l'article 778 du Code civil, de recel de succession.
Rappelons que la prime reçue par le bénéficiaire d'une assurance-vie est hors succession. Dès lors a priori l'article 778 du Code civil relatif au recel successoral n'est pas applicable. Néanmoins si cette valeur vient à être réintégrée dans l'actif successoral alors le recel successoral pourra bien être caractérisé. Or un des moyens pour que la garantie versée soit réintégrée à l'actif successoral est celui de prouver que les primes versées sur le contrat d'assurance-vie par le souscripteur étaient des primes manifestement exagérées au regard de la situation du souscripteur.
En appel la juridiction saisie retient bien que le montant des primes versées par le souscripteur de l'assurance-vie était manifestement exagéré « au regard des facultés et de l'âge du souscripteur ». Dès lors, la cour avait considéré que la veuve bénéficiaire du contrat « ne pouvait ignorer l'existence de cette libéralité puisqu'elle avait accepté les clauses bénéficiaires, s'est abstenue de la mentionner lors de l'établissement de la déclaration de succession », elle l'avait donc reconnu coupable de recel successoral lui appliquant les sanctions prévues à ce titre : la perte de toute part sur la garantie de cette assurance réintégrée à la succession.
Cette dernière forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation au motif que soit respecté son droit sur la succession concernant ces sommes puisque, selon elle, l'élément moral du recel successoral, à savoir la volonté de dissimulation des sommes litigieuses, n'avait pas été démontré par la cour d'appel ce qui ne permettait pas de prononcer les sanctions du recel successoral.
La Haute juridiction donne alors raison à la veuve énonçant dans son attendu « qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'intention frauduleuse de [la bénéficiaire] de porter atteinte à l'égalité du partage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ». Se faisant la Cour de cassation rappelle un principe qu'elle applique de manière constante : l'époux ne pourra être privé de sa part des primes exagérées, au titre du recel successoral, que si sa volonté de porter atteinte au partage est démontrée.
En l'espèce la cour d'appel avait considéré que l'acceptation de la désignation suffisait à apporter la démonstration de l'intention frauduleuse, raisonnement rejeté par la Cour de cassation qui considère que cela ne prouve en rien l'intention de nuire au partage. Dans le cas présent la Haute juridiction a certainement appuyé son raisonnement sur le fait que, dans un premier temps, le souscripteur du contrat avait désigné ses petits-enfants et son conjoint comme bénéficiaires avant de le modifier et de désigner sa femme comme bénéficiaire exclusif.
Dès lors les primes manifestement exagérées doivent bien être intégrées à la succession, à laquelle pourra se rapporter la bénéficiaire à hauteur de sa part légale.