Clause d'exclusion, clause abusive et rôle du juge
Le plus souvent, le consommateur se retrouve dans une position de faiblesse face à un professionnel lors de la conclusion d'un contrat : les clauses ne sont ni négociables, ni modifiables notamment dans les contrats d'adhésion. Le consommateur peut se voir confronter à une clause lui imposant la charge de la preuve alors qu'une telle obligation devrait peser sur l'autre partie: le professionnel.
La Cour de Cassation dans un arrêt du 12 mai 2016 (n°14-24698) a été amenée à juger si une clause contractuelle prévoyant une exclusion de garantie en cas de faute de la victime devait ou non être qualifiée d'abusive.
Une clause est dite abusive lorsque qu'elle crée un déséquilibre manifestement excessif entre les droits et obligations des deux parties professionnelles et/ou non professionnelles dans les contrats.
On distingue deux types de clauses abusives reproduites aux articles R212-1 et suivants du Code de la consommation.
La première liste concerne des clauses qui, eu égard à la gravité qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées comme abusives. Autrement dit, on ne peut pas apporter la preuve contraire : elles sont vues de manière irréfragable. La deuxième liste vise des clauses présumées simplement abusives. Cela signifie que lors d'un litige concernant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.En l'espèce, la veuve d'une victime d'un accident de la route a sollicité l'indemnisation de l'assurance auprès de laquelle le défunt avait souscrit un contrat comportant une garantie de dommages matériels et corporels. La compagnie d'assurance a refusé sa garantie, en raison de l'alcoolémie élevée de l'assuré lors de l'accident. La veuve a alors assigné l'assureur en exécution du contrat.
La Cour d'appel refuse la demande de la veuve, en application des conditions générales du contrat d'assurance qui excluaient de garantie les dommages matériels et corporels dès lors que « le conducteur avait un fort taux d'alcoolémie lors du sinistre, sauf s'il est prouvé par l'assuré que le sinistre était sans relation avec cet état ». Autrement dit, il appartient à l'assuré de prouver l'absence de lien direct entre le sinistre et le fort taux d'alcoolémie de ce dernier pour pouvoir prétendre à une indemnisation.
Le pourvoi formé par la veuve va lui donner raison puisque la Cour de Cassation casse et annule la décision d'appel au motif « qu'en vertu du droit commun, il appartient à l'assureur d'établir que l'accident était en relation avec l'état alcoolique du conducteur »
Cela signifie pour la Cour de cassation que les juges du fond doivent, en application de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE), rechercher d'office l'éventuel caractère abusif d'une clause contractuelle.
Cette solution est intéressante dans la mesure où les juges du fond doivent dorénavant étudier toute clause contractuelle susceptible d'entrainer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties. En cas d'exclusion de garantie, c'est donc à l'assureur de prouver le lien direct entre la faute alléguée de l'assuré et la survenance du dommage.
A noter que la réforme du droit des obligations, applicable depuis le 1er octobre 2016, institue l'interdiction des clauses abusives dans les contrats d'adhésion.