Faut-il avoir confiance dans les experts d’assurance ?

L’expert d’assurance et le rapport d’expertise occupent un rôle central dans l’indemnisation qui sera accordée par un assureur en cas de sinistre. Travailleurs indépendants des compagnies d’assurance, les experts d’assurance n’ont pas de parti pris pour l’assureur ou l’assuré. Pourtant, de nombreux doutes subsistent dans l’esprit des assurés. La faute à des procédures longues, peu transparentes et encore mal appréhendées par le grand public.

Faut-il avoir confiance dans les experts d’assurance ?

Maillon central de la chaîne du règlement des sinistres, l'expert d'assurance intervient aussi bien dans les assurances de biens et de responsabilités (automobile, habitation, construction…) et les assurances de personnes (santé, prévoyance, assurance vie…). Son rôle : déterminer les causes d'un sinistre et en évaluer le coût.

« La mission traditionnelle de l'expert technique, est en toute indépendance et impartialité, de déterminer après un sinistre, le montant réel des dommages et ses causes », définit ainsi la Fédération des Sociétés d'Expertise (FSE) sur son site internet.

Chargé de trancher les litiges entre les assurés et les assureurs, le Médiateur de l'Assurance observe pourtant que les expertises d'assurance sont sources de nombreux conflits. Méconnaissance de la procédure, doute sur l'indépendance de l'expert, contestation du rapport… Les points de frictions sont nombreux et ne reposent pas que sur de simples vues de l'esprit.


« L'absence d'encadrement réglementaire de l'activité d'expert et d'information claire aux assurés sur le déroulement et les éventuels délais de l'expertise amiable rend complexe la mise en œuvre de la procédure d'expertise, pourtant essentielle pour les assurés. Une réflexion doit être menée sur le sujet pour poursuivre les efforts vers un marché de l'assurance apaisé et une meilleure compréhension, par les assurés, de la mission des experts », écrivait le Médiateur de l'Assurance dans son rapport annuel 2022. Un constat qui reste d'actualité en attendant qu'un décret ne vienne, a priori dans le courant de l'année 2025, venir formaliser un nouveau cadre déontologique pour l'expert d'assurance.

Une indépendance en question

Mandaté par la compagnie d'assurance, l'expert est chargé d'établir le rapport d'expertise qui définira la proposition d'indemnisation. Son statut de travailleur indépendant doit, en principe, garantir sa neutralité. Mais les liens commerciaux que les cabinets d'expertise entretiennent avec les compagnies d'assurance ont introduit, dans l'esprit des assurés, le soupçon d'un biais de jugement. « Les assurés doivent être rassurés, d'une façon ou d'une autre, sur l'indépendance des experts vis-à-vis des assureurs qui les ont missionnés pour analyser les causes et l'ampleur d'un sinistre », rappelle régulièrement le Médiateur de l'Assurance.

La croyance populaire d'un expert d'assurance « à la main » de l'assureur et missionné pour réduire les indemnisations au possible continue d'avoir la vie dure. Il ne faut cependant pas, à l'inverse, minimiser le rôle de l'expert dans la lutte contre la fraude à l'assurance.


Le recours à une expertise n'est pas systématique et s'organisera principalement dans le cadre de sinistres potentiellement coûteux. C'est toutefois un passage obligé en cas de survenance d'une catastrophe naturelle ou technologique.

Et en la matière, l'intensification des événements climatiques remarquée ces dernières années, a multiplié les opportunités d'avoir affaire à un expert d'assurance pour constater et mesurer les dégâts.

L'occasion, souvent, de constater la longueur des délais d'intervention. Si la profession des experts a largement progressé, elle demeure insuffisamment organisée. « Les délais d'intervention des experts devraient être encadrés. Il serait raisonnable que la désignation de l'expert, lorsqu'elle est nécessaire, ait lieu dans les quinze jours à compter de la déclaration de sinistre. Un délai raisonnable devrait également être fixé pour la conduite de l'expertise et la remise du rapport, par exemple trois mois à compter de la désignation, avec une possibilité de prolongation pour une nouvelle période de trois mois après information des parties », continue de proposer le Médiateur de l'Assurance.

Bien préparer son expertise

Les modalités du recours à l'expertise sont précisées dans le contrat d'assurance. Comme l'expert est mandaté par l'assureur, c'est ce dernier qui en supporte le coût. Charge à l'assuré de transmettre à son assureur l'ensemble des justificatifs demandés (factures, photos, rapports médicaux…). Attention : s'il manque des pièces, l'indemnité pourra être partielle. Et l'assuré ne doit surtout pas négliger les convocations de l'expert car sans expertise, aucune indemnisation ne pourra intervenir.


A la suite de la remise du rapport d'expertise, la compagnie d'assurance fait une proposition d'indemnisation. Dans ce contexte, les conclusions de l'expert missionné par l'assureur doivent toujours être transmises à l'assuré. C'est une question de transparence et un engagement déontologique pris par la profession de l'assurance dans le cadre du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) en 2005. Or, les assureurs « oublient » encore trop souvent de partager le rapport d'expertise, ce qui provoque de nombreuses crispations.

Car l'assuré est en droit de contester la proposition d'indemnisation et le rapport d'expertise. Dans ce cas, il devra faire appel à un contre-expert, souvent appelé « expert d'assuré ». Le coût de cette contre-expertise ne sera cette fois pas imputé à la compagnie d'assurance, sauf si le contrat dispose d'une garantie couvrant les honoraires d'expert. Dans le cas contraire, l'assuré devra débourser un montant qui peut facilement atteindre plusieurs centaines d'euros, et même plus dans le cadre de certaines spécialités.

Une grande attention doit être portée au choix de l'expert. Aucune condition de diplôme ou d'expérience n'est en effet exigée pour se proclamer « expert d'assuré ». Et même s'il existe des professionnels parfaitement compétents, certains n'hésitent pas à s'improviser « expert » au moment d'une catastrophe naturelle…


Enfin, la contre-expertise doit impérativement se dérouler en présence des deux parties : si elle est menée dans le dos de l'assureur, ses conclusions ne pourront pas lui être imposées.

Dans le cas où la contre-expertise ne parviendrait pas à concilier les intérêts des deux camps, une nouvelle expertise pourra être organisée avec un tiers-expert, choisi d'un commun accord, et devant lequel chacun se fera assister par son propre expert.

Ne restera alors, en cas de désaccord persistant, que la saisie des tribunaux pour trancher l'affaire.