Contrat d'assurance et entreprise en difficulté
Les difficultés financières d'une entreprise peuvent impacter ses rapports contractuels avec les tiers, et en particulier ses contrats d'assurance lorsqu'elle ne peut plus payer ses primes. Le droit confère une certaine protection aux débiteurs en difficulté financière et la compagnie d'assurance se retrouve confrontée à une impossibilité d'obtenir le paiement des sommes dues tout en étant dans l'interdiction de procéder à la résiliation du contrat.
Il existe plusieurs types de procédures collectives selon la gravité de la situation financière de la société débitrice. De ces différents types de procédures découlent différents effets pour le contrat d'assurance.
Les mesures préventives
Il s'agit de la conciliation ou du mandat ad'hoc. Il ne s'agit pas de procédures judiciaires mais de mesures préventives visant à éviter la mise en place d'une procédure collective pour l'entreprise. L'ouverture d'une conciliation ou d'un mandat ad'hoc n'a, en principe, aucun effet sur les contrats de l'entreprise en cours, contrats d'assurance inclus.
Lors de ces deux mesures, il y a ouverture d'une négociation entre l'entreprise et ses créanciers pour un règlement à l'amiable des dettes après nomination d'un conciliateur ou d'un mandataire par le président du tribunal de commerce.
Dans le cadre d'une conciliation ou d'un mandat ad'hoc, l'assuré n'est pas protégé contre la résiliation du contrat par l'assureur pour non-paiement des primes. Ce dernier peut donc invoquer l'article L.133-3 du Code des assurances pour mettre fin au contrat en cas d'absence d'accord trouvé avec le mandataire ou le conciliateur.
La mise en place d'une procédure collective
Il existe trois types de procédures collectives à destination des entreprises en difficulté : la sauvegarde, le redressement et enfin la liquidation judiciaire. Comme leurs noms l'indiquent, le choix de l'une ou l'autre de ces procédures dépend de la gravité de la situation financière de l'entreprise et de son éventuel avenir.
La sauvegarde et le redressement judiciaire tendent à essayer de sauver l'entreprise tandis que la liquidation intervient lorsque celle-ci est déjà dans l'impossibilité de continuer son activité. Le liquidateur, qui est nommé par le tribunal de commerce va alors liquider l'actif restant en désintéressant les créanciers en fonction de leurs privilèges.
L'ouverture d'une procédure collective a plusieurs conséquences sur les contrats existants.
L'interdiction de résilier les contrats en cours
Les créanciers de l'entreprise mise en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire ne peuvent pas tout simplement mettre fin à leurs contrats. Ainsi, si l'assuré qui ne paie pas ses primes est mis sous procédure collective, l'assureur ne pourra plus procéder à la résiliation du contrat comme le prévoit l'article L.113-3.
Ce sont désormais les règles spécifiques du droit des entreprises en difficulté qui tendent à s'appliquer. Celles-ci prévoient que tout contrat en cours au moment du jugement d'ouverture de la procédure ne peut plus faire l'objet d'une résiliation ou d'une résolution par le créancier.
Avant, les assureurs pouvaient s'appuyer sur l'ancien article L.113-6 du Code des assurances qui prévoyait que l'ouverture d'une procédure collective constituait une aggravation du risque ouvrant droit à résiliation du contrat d'assurance dans les trois mois, mais la jurisprudence a rapidement rejeté cet argument et cet article a été supprimé par la loi du 26 juillet 2005.
Désormais, les contrats d'assurance ne peuvent plus être résiliés une fois la procédure collective ouverte au même titre que les autres contrats en cours.
De plus, le maintien de ces assurances peut s'avérer nécessaire pour la survie de l'entreprise. Parfois, la poursuite même de l'activité peut nécessiter l'existence d'une assurance obligatoire (assurance construction, RC pro pour certains professionnels).
Par contre, l'administrateur nommé peut procéder à la résiliation des contrats au cours de la procédure s'il l'estime nécessaire.
L'avenir du contrat d'assurance
Tant que le contrat n'est pas résilié, il continue à produire ses effets. L'assureur ne peut pas non plus suspendre les garanties en attente du paiement des primes échues avant ouverture de la procédure. S'il est appelé à indemniser un dommage au titre du contrat, il ne peut pas invoquer une suspension ou encore l'exception d'inexécution.
L'assureur, doit par contre, s'assurer de payer les indemnités dues entre les mains de la bonne personne. En effet, le jugement d'ouverture d'une procédure collective peut conduire un dessaisissement total du débiteur assuré. Dans ce cas, tout paiement doit être adressé au mandataire ou au liquidateur nommé.
Que deviennent les primes échues et non payées ?
Dans le cadre d'une procédure collective, les créanciers ne peuvent plus agir individuellement en paiement contre le débiteur à compter du jugement d'ouverture : article L.622-7 du Code de commerce. L'assureur doit, comme tout créancier de l'entreprise, déclarer sa créance une fois informé de l'ouverture de la procédure.
Concernant le devenir des primes, il faut distinguer selon qu'elles soient antérieures ou postérieures au jugement d'ouverture de la procédure :
- Les primes impayées antérieures au jugement d'ouverture : l'assureur n'est plus en droit d'agir en paiement de ces sommes. Après déclaration de sa créance, il est considéré comme un créancier chirographaire, c'est-à-dire un créancier qui ne dispose d'aucune sûreté (hypothèque, nantissement, gage). Les créanciers chirographaires sont payés après les autres et donc le recouvrement de la créance est incertain surtout en cas de liquidation judiciaire.
- Les primes impayées postérieures au jugement d'ouverture : Elles constituent des créances postérieures, or la procédure collective n'a pour effet de geler que les dettes antérieures à son ouverture. Ces primes doivent donc être payées au moment de leur échéance par l'administrateur nommé. Dans le cas contraire, l'assureur est en droit de mettre en œuvre la procédure de résiliation pour non-paiement des primes de l'article L.113-3 du Code des assurances. Il devra envoyer une mise en demeure et respecter les délais prévus à cet article. Il peut également agir en justice pour le paiement de ces sommes à titre individuel.
Le choix de la compensation entre prime échue et indemnité due
L'article L.622-7 du Code du Commerce prévoit qu'il est possible d'effectuer « un paiement par compensation de créances connexes » concernant les dettes de l'entreprise antérieures au jugement d'ouverture.
Ainsi, il est possible de considérer que les primes non payées et les indemnités dues par l'assureur au titre d'un sinistre sont des créances connexes qui peuvent être compensées dans le cadre d'une procédure collective. L'assureur peut donc procéder à la compensation et ne régler à son client que l'indemnité diminuée du montant des primes échues.