Une entreprise a-t-elle pour seul objectif de faire des profits ? Rien n'interdit de le penser. « Mais permettez, n'est-ce pas un peu court jeune homme ?» pourrait répondre Cyrano de Bergerac. L'entreprise doit gagner de l'argent pour rémunérer ses dirigeants, ses actionnaires, ses salariés, payer ses charges et investir. Nier une telle évidence serait peine perdue. Mais faut-il pour autant la réduire à cette seule approche économique et comptable ? Cela n'aurait évidemment pas de sens. Même au 19 °siècle, à l'heure du développement du capitalisme, bon nombre d'industriels comprirent vite que la santé de leurs ouvriers avait de la valeur pour la bonne marche de leurs fabriques, leurs usines ou leurs mines et mirent en place des politiques paternalistes dans lesquelles la prévention n'était jamais loin.
Une nouvelle « mission » pour l'entreprise
Cent cinquante ans plus tard, la dimension sociale de l'entreprise n'est plus à démontrer. En France, elle a été mainte fois affirmée par les pouvoirs publics jusqu'à tout récemment, dans la loi Pacte du 22 mai 2019, qui a modifié la loi pour y intégrer la responsabilité sociétale des entrepreneurs et une nouvelle notion de société à mission. Ainsi, si l'article 1833 du code civil dispose toujours que « toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés », celui-ci est désormais complété par un nouvel alinéa précisant que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». De même, l'article 1835 du même code est modifié en prévoyant que « les statuts peuvent préciser une raison d'être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité. ». L'entreprise à mission est née. Ces avancées législatives ont un objectif, celui de faire avancer la prévention contre les risques sociaux et environnementaux, une démarche qui, il n'est pas inutile de le rappeler, a débuté il y a 20 ans, notamment avec l'obligation pour les grandes et moyennes entreprises de fournir un « reporting extra financier » annuel, appelé aussi « reporting RSE » (responsabilité sociétale des entreprises).
De la prévention des accidents du travail…
La prise en compte de l'intérêt social joue aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur de la société. A ce niveau, l'employeur ne peut plus méconnaître qu'il est responsable de la santé physique et mentale des salariés, ainsi que de leur sécurité et qu'il doit prendre les mesures nécessaires pour éviter toute maladie ou accident (article L4121-2 du Code du Travail). Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. Au-delà des formalités administratives et des déclarations, dont le document unique d'évaluation des risques, il est tenu de définir une politique de prévention des risques basée sur l'évaluation constante des risques professionnels liés aux activités de son entreprise.
…à l'accompagnement pour le maintien en bonne santé des salariés.
Faudra-t-il aller plus loin ? Oui, sans aucun doute, en proposant aux salariés de nouveaux services pour les aider à prendre soin de leur santé. Le but est social, mais aussi économique, pour réduire les coûts directs (cotisations, indemnités des Arrêts de travail,…) et indirects (recrutement, perte de productivité, retards dans la production,…). Tout ce qui n'est pas dépensé en frais de santé et indemnités de prévoyance n'est-il pas un moyen de financer des actions de prévention ?
Repousser les frontières des actions de prévention
Les outils à la disposition des entreprises sont variés et se retrouvent dans leurs contrats collectifs de complémentaires santé. L'entreprise « terre de prévention », pourra s'impliquer davantage en favorisant toutes les actions de dépistage possibles, notamment des maladies chroniques génératrices d'arrêts maladie de longue durée. Des politiques peuvent être mises en œuvre, selon la typologie des salariés. « Sachant qu'une femme sur huit est susceptible de développer un cancer du sein, une entreprise employant un personnel majoritairement féminin n'aurait-il pas intérêt à mettre en place une politique de dépistage », s'interroge un médecin spécialiste de la maladie.
Si l'entreprise est légitime à agir, encore faut-il lui inculquer la culture de la prévention. Chaque niveau est concerné. Les directions des ressources humaines, mais aussi les managers de proximité qui, mieux que quiconque, peuvent détecter des signaux faibles. Cela suppose aussi que les salariés aient confiance en leur employeur et qu'ils osent se confier. Il y a dans ce domaine encore beaucoup de travail à réaliser. Mais une chose est sûre, l'entreprise qui saura maîtriser la prévention de A à Z aura demain un avantage compétitif pour faire reconnaître sa politique de qualité de vie au travail, lui permettant d'attirer et de fidéliser les meilleurs collaborateurs. Demain, la prévention fera partie intégrante du package de rémunération que l'entreprise offrira à ses collaborateur…et cela lui sera profitable.