Assurance prévoyance et risques climatiques : attention ça va chauffer !

Les assureurs de personnes, comme ceux de dommages aux biens, sont pris au piège des dérèglements du climat. Ces derniers ont un impact direct sur la santé des personnes et menacent notre modèle de protection sociale. Il est temps d'innover dans les solutions et de penser, enfin, à donner un véritable rôle à la prévention.

Sécheresse, incendies, inondations, ouragans, grêles, la facture climatique n'en finit pas de s'alourdir à l'échelle mondiale. Des études mettent en avant que les coûts des phénomènes météorologiques extrêmes liés au changement climatique sont estimés à 2 860 milliards de dollars dans le monde en vingt ans (sur la période 2000 – 2019). En France, selon les assureurs, le coût des évènements climatique a dépassé les 10 milliards d'euros sur l'année 2022, et 2023 demeure sur la même trajectoire. Le coût des aléas climatiques doublerait à l'horizon 2050 passant de 73,4 Mds à 143 Mds en 2050, estiment les compagnies d'assurances. Quant aux primes et cotisations, celles-ci pourraient être multipliées par deux à l'horizon de 2030, et ce, à condition que les assureurs acceptent d'assurer les immeubles dans certaines régions.

Les dérèglements climatiques, par l'augmentation de la fréquence et de l'intensité de ces événements qu'ils produisent, mettent à mal le modèle économique des assureurs et il n'est pas sûr que le régime des catastrophes naturelles, instauré il y a une quarantaine d'années, puisse être suffisant à le soutenir dans la durée.

Changement climatique et protection sociale

La protection sociale en danger

Mais la crise climatique ne s'attaque pas seulement aux biens matériels. Elle menace aussi de réduire à néant les progrès réalisés au cours des cinquante dernières années en matière de développement, de santé mondiale et de réduction de la pauvreté , souligne l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui s'attend à ce que le changement climatique entraîne près de 250 000 décès supplémentaires par an, entre 2023 et 2050, dus uniquement à la dénutrition, au paludisme, à la diarrhée et au stress lié à la chaleur.

Penser que les pays développés échapperont aux conséquences des dérèglements du climat sur la santé est un leurre. Un récent rapport sénatorial (1) alerte sur la situation française jugée particulièrement préoccupante au regard des températures moyennes constatées dans notre pays depuis 1900 par rapport à celles constatées en moyenne dans le monde. « La France est l'un des pays les plus exposés aux facteurs environnementaux. Les données sont évidentes : en s'appuyant sur l'indicateur des pertes humaines, les six désastres les plus meurtriers en France ces dernières années sont dus à des canicules. En clair, chaque année, des dizaines de milliers de personnes en France sont menacées du fait du changement climatique. Le risque en France est considérable », avertit l'économiste Eloi Laurent.


Inquiétude de l'Assurance maladie

La Sécurité sociale s'est saisie du sujet en multipliant les alertes sur les conséquences de l'évolution du climat en commençant par les risques en cas de fortes chaleurs pour les nourrissons et les femmes enceintes, les personnes âgées de plus de 65 ans ou encore les personnes présentant certaines maladies comme les maladies chroniques (Parkinson, cardiovasculaire, suites d'un AVC, asthme, obésité de l'adulte, infections, ou encore troubles mentaux). La Sécurité sociale rappelle que lors des épisodes de canicule de l'été 2022 une hausse de 16,7 % des décès a été observée chez les plus de 75 ans notamment. Lutter contre le réchauffement climatique c'est aussi lutter pour préserver la santé respiratoire de chacun précise aussi l'Assurance maladie en avertissant qu'en 2050, environ 50 % de la population française pourrait souffrir d'une maladie allergique respiratoire.

Sauver notre modèle de protection sociale

En 2022, le rapport du Sénat (1) s'est avéré sévère à l'encontre des pouvoirs publics mettant en avant que les événements climatiques menacent à terme la soutenabilité financière de notre système de protection sociale. Selon le rapport, l'État ne s'est pas doté des outils prospectifs pour faire face à la survenance plus fréquente et plus aigüe d'événements climatiques et de crises imprévues, (nouvelles pandémies ou virus) dont les effets sur les finances publiques seront lourds de conséquences.

Le dérèglement climatique aura des conséquences sur la hausse des arrêts de travail due notamment aux maladies à transmission vectorielle (transmises par essentiellement des insectes et acariens), à la pollution voire à l'éco-anxiété. Les régimes de retraite seront aussi à surveiller : la dégradation de la santé sur des actifs, dont la durée du travail s'allonge, peut avoir aussi des répercussions sur le financement et l'acquisition de droits des systèmes de retraite par répartition.


L'espérance de vie en bonne santé est un indicateur intéressant dans la mesure où moins d'un Français sur deux est en bonne santé à 65 ans, contre 77 % en Suède, rappelle le rapport du Sénat qui poursuit en expliquant que la Sécurité sociale a été pensée à l'origine dans une optique curative, qui accapare 97 % des dépenses de santé avec un solde, de seulement 3 %, dédié à la prévention. Or, la montée des maladies chroniques rend nécessaire d'inverser la tendance en priorisant les politiques de prévention pour rendre l'Assurance maladie résiliente.

Les contrats d'assurance devront évoluer

Les assurances de personnes, comme de dommages, sont exposées aux évènements climatiques. Leur non prise en compte peut amener à une dérive des charges d'indemnisation, dans le pire des cas, à un refus d'assurer, sauf à ce que les particuliers et les entreprises, dans le cadre des contrats collectifs pour leurs salariés, acceptent une forte hausse des cotisations. Face à ce défi, les assureurs devront innover en matière de produits et de gestion. Comme l'Assurance maladie, les mutuelles santé et prévoyance seront amenées à prendre des mesures pour véritablement réussir le virage de la prévention, organiser des processus de souscription intégrant les risques liés aux événements climatiques extrêmes (en distinguant notamment les zones géographiques) ou bien inciter les assurés à adopter des comportements sains. Encore faut-il que la réglementation ne les bride pas dans leurs démarches.

Sur le plan financier, les assureurs devront être attentifs dans leurs placements en écartant certains secteurs d'activité vulnérables aux événements climatiques extrêmes et en plaçant leurs liquidités sur des investissements durables. Ils auront à cœur aussi de pousser leurs clients assurés à choisir des placements socialement responsables dans les enveloppes fiscales comme l'assurance vie ou le plan d'épargne retraite.

(1) Rapport du Sénat RAPPORT D'INFORMATION FAIT au nom de la mission d'information (1) sur le thème « Protéger et accompagner les individus en construisant la sécurité sociale écologique du XXIème siècle », 30 mars 2022.

(2) Économiste et professeur à Sciences Po et à l'université de Stanford.