Le remboursement des médecines douces en question

Plébiscitées par les patients mais quasiment non remboursées par l'Assurance maladie, les médecines douces sont devenues incontournables dans les contrats complémentaire santé des assureurs. Leur coût commence à peser dans la totalité des primes et l'ordre des médecins reste toujours très méfiant vis à vis de leur efficacité et du professionnalisme des praticiens.

Quel avenir pour le remboursement des médecines douces ?

On les appelle médecines douces, ou bien médecines traditionnelles, alternatives ou encore complémentaires. Selon une récente étude, 51% des Français auraient recours aux pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) liées à la manipulation manuelle, 48% à la « médecine traditionnelle », 45% aux plantes et 39% aux « énergies ».

Pourquoi un essor des médecines douces ?

Le contexte social maussade, l'éco-anxiété, le mouvement « bio »et bien-être ou encore la méfiance grandissante face aux vaccins et aux médicaments, sont autant de raisons qui expliquent cet engouement. « Les hôpitaux, eux-mêmes, intègrent certaines pratiques thérapeutiques complémentaires dans leurs approches pour aider les patients qui subissent un traitement lourd afin, par exemple, de gérer le stress avant une intervention chirurgicale », rappelle Noëlle Chevesson, consultante en protection sociale.


D'autres explications doivent aussi être recherchées du côté de la pénurie de médecins et du temps qu'ils sont susceptibles de consacrer à leurs patients indique le conseil de l'Ordre de la profession. Selon l'actuaire Anne Marion dirigeante du cabinet Actuarielles, « La différence principale des médecines douces par rapport aux consultations classiques est leur durée. En effet, si la durée moyenne d'une visite chez un généraliste varie de 10 à 20 mn, la durée de consultation des médecines douces est d'environ une heure. Tout patient a besoin qu'on lui consacre du temps et de l'attention. Hippocrate prétendait déjà que le premier médicament que donne un médecin… c'est lui-même ».

Qu'est-ce qu'une médecine douce ?

Ostéopathie, étiopathie, chiropractie, mais aussi acupuncture, naturopathie, homéopathie, ergothérapie, hypnose, les médecines douces regroupent un grand nombre de spécialités, environ 400 selon l'organisation mondiale de la santé.

Par définition, les PSNC ne sont ni reconnues au plan scientifique par la médecine conventionnelle, ni enseignées au cours de la formation initiale et ni validées dans le cadre du développement professionnel continu (DPC) des professionnels de santé, indique l'Ordre des médecins. La majorité des pratiques ne requièrent pas de cursus, de compétences ou de diplômes. Le ministère chargé de la santé note d'ailleurs qu'à l'exception de l'acupuncture qui fait l'objet de diplômes nationaux, et de quelques disciplines sanctionnées par des diplômes universitaires (ostéopathie par exemple), les formations sont généralement « délivrées au sein d'organismes privés sans contrôle des institutions publiques quant à leur contenu, et sans reconnaissance par l'État ».


Quel remboursement des médecines douces ?

Dans la grande majorité des cas, les médecines douces ne sont pas prises en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), sauf si le médecin consulté est un médecin conventionné qui pratique une discipline de médecine alternative. L'acupuncture ou l'hypnose par exemple, peuvent bénéficier d'une prise en charge par le régime de base à hauteur de 70 %. Autre exemple, les consultations d'un médecin homéopathe conventionné sont remboursées par la CPAM contrairement aux médicaments qui, depuis 2021, ne le sont plus. La psychologie (médecine douce ???) de son côté est remboursable selon différents critères, notamment depuis le nouveau dispositif « MonPsy », lancé en avril 2022.

Toutefois, la plupart des disciplines de médecine douce ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale, c'est le cas notamment pour la naturopathie, la sophrologie ou l'ostéopathie. Pour chaque spécialité, il donc important de s'informer en amont de toute consultation.

En cette absence de prise en charge par l'Assurance maladie, les organismes ont décidé d'intervenir. « Les assureurs peuvent insérer les garanties de médecine douce en inclusion, ou les proposer en option. Les prestations varient d'un contrat de complémentaire santé à l'autre selon les formules proposées. Les spécialités thérapeutiques remboursées figurent dans les conditions du contrat. Les garanties se présentent sous la forme soit d'un forfait global de remboursement annuel, soit d'un forfait par séance chez un praticien, dans la limite d'un nombre de séance par an », explique Noëlle Chevesson. Le forfait peut être exprimé en euros ou en pourcentage du plafond mensuel de la Sécurité sociale. « En l'absence de remboursement par la CPAM, le flux NOEMIE permettant de transmettre automatiquement les relevés de l'assurance maladie à la mutuelle santé n'étant pas alimenté, l'assuré devra alors adresser directement la facture à son organisme assureur », ajoute Noëlle Chevesson.


Les médecines complémentaires revêtent-elles un caractère prioritaire ?

« La tarification s'effectue par expérience. Au début, les garanties ne coûtaient pas cher car elles étaient peu utilisées, mais aujourd'hui, elles sont rentrées dans les mœurs au détriment de la prise en charge des risques lourds », avance Anne Marion. Aussi, les médecines dites douces commencent, sur certains contrats, à peser presque aussi cher que l'hospitalisation. Néanmoins, il semble difficile pour les patients de renoncer à ces médecines complémentaires et encore plus à leur remboursement. Qu'en sera-t-il alors sur le coût des assurances ? « Cette question n'est pas anodine, surtout s'il on anticipe le désengagement des régimes de base sur certains postes de remboursement dont la pharmacie, le forfait journalier à l'hôpital, ou récemment le dentaire. Les budgets disponibles consacrés aux régimes complémentaires ne sont pas illimités et les arbitrages, inévitables à envisager, rendront de plus en plus difficile le financement de ce type de soins. D'autant que les remboursements interviennent dès le premier euro ; ce qui rend les pratiques de médecine complémentaires beaucoup plus coûteuses qu'un ticket modérateur d'une consultation de médecin pris en charge par le régime de Sécurité sociale. Pour ma part, je pense qu'il serait préférable de rembourser un spécialiste en charge d'une pathologie lourde inattendue mais grave plutôt que la consultation d'un naturopathe que l'on peut toujours financer par soi-même », s'interroge Anne Marion.

Qu'en pensent les médecins ?

Au-delà de la problématique financière, la question de la pertinence de l'utilisation des médecines alternatives reste encore d'actualité. L'Ordre national des médecins, estime indispensable qu'un encadrement plus strict soit prévu concernant ces pratiques ainsi que le contenu des formations dispensées. L'Ordre met aussi en garde sur la nocivité de certaines pratiques, qui sans avoir d'efficacité mais sans présenter de risque sur la santé, peuvent entrainer une perte de chance pour les personnes qui seraient atteintes de maladies graves en retardant leur prise en charge par la médecine conventionnelle. D'autres, en revanche sont susceptibles d'avoir des effets nocifs pour la santé et doivent donc être systématiquement proscrites, avertit l'Ordre des médecins en poursuivant que les effets indésirables des PSNC sont mal, voire non connus, dans la mesure où il n'y a pas eu d'évaluation rigoureuse préalable à leur emploi, et peu ou pas de données publiées. De plus, les professionnels qui utilisent ces PSNC ne déclarent pas ces effets indésirables. Certains vont même jusqu'à conseiller d'abandonner tout traitement conventionnel dans le cas de maladies graves pour se positionner uniquement sur les traitements alternatifs alors qu'ils ne peuvent être que complémentaires.

En conclusion, l'Ordre des médecins reste dur avec les médecines douces en estimant que l'absence d'encadrement des PSNC risque d'entrainer, selon les situations, un exercice illégal de la médecine des dérives thérapeutiques, voire sectaires, dans certains cas. Il plaide pour un meilleur contrôle de la part des pouvoirs publics et une meilleure information des particuliers.

Pour les patients, la prudence s'impose. Avant de consulter et après d'avoir pris connaissance des conditions de remboursement des actes de médecine douce, ils doivent s'assurer du professionnalisme et de l'honnêteté du praticien. L'exercice est évidemment difficile. Certains réseaux de soins attachés à la complémentaire santé n'hésitent pas à communiquer sur le sujet en indiquant qu'ils effectuent un « tri » entre les thérapeutes sérieux et les charlatans. Le dossier n'est pas clos.