La réforme des retraites pourrait renchérir le coût des contrats d’assurance santé et de prévoyance
Promulguée le 15 avril 2023, la loi portant sur la réforme des retraites entérine le report de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans d'ici 2030. Dès le 1er septembre 2023, l'âge sera progressivement relevé à raison de trois mois par génération à compter des assurés nés le 1er septembre 1961. Dans le même temps, la durée de cotisation permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein sera portée à 43 ans en 2027. Enfin, l'âge de la retraite à taux plein, c'est-à-dire sans décote, est quant à lui maintenu à 67 ans. Pour bon nombre d'acteurs de l'assurance, une partie de ces mesures, et notamment celle relative au recul de l'âge légal, risque d'avoir quelques incidences sur la tarification de leurs contrats, à commencer par les garanties en cas d'invalidité.
Les leçons du passé
Les personnes invalides perçoivent une pension de la part de la Sécurité sociale et des assureurs complémentaires, une pension qui prend fin à l'âge légal d'ouverture du droit à la retraite. A cette date, la rente d'invalidité est automatiquement remplacée par une pension de retraite au titre de l'inaptitude au travail. Reculer l'âge de la retraite entraîne ainsi de facto un coût supplémentaire pour la Sécurité sociale et les assureurs privés lié à l'allongement de la durée d'indemnisation.
Ce phénomène s'est déjà rencontré lors de la réforme des retraites de 2010 où le report de l'âge légal de départ à la retraite, de 60 à 62 ans, s'était appliqué non seulement aux personnes invalides au moment de l'entrée en vigueur de la loi mais aussi à toutes celles qui seraient reconnues inaptes au travail au-delà de cette date. Cette évolution a directement impacté les assureurs à la fois sur le stock des arrêts en cours d'indemnisation et sur le flux des futurs arrêts à indemniser.
Comme le rappelle la société d'actuariat conseil Galea « sur les stocks, l'allongement de la durée de versement a généré un surplus de provisions mathématiques (l'estimation actuelle du coût des prestations futures à verser) de +15% à +20% en moyenne ». La problématique essentielle des assureurs était alors de financer cet impact ce qui a conduit les pouvoirs publics à intervenir afin d'organiser un étalement sur 5 ans. « Pour les arrêts à venir (flux), la hausse attendue de l'incidence et de la durée probables des sinistres s'est répercutée sur les primes, qui ont augmenté de +5% à +10% », met en avant le cabinet Galea.
Santé-prévoyance : les dépenses augmentent avec l'âge
Qu'en sera-t-il pour la réforme actuelle ? Les personnes invalides ne sont pour l'essentiel pas touchées par la réforme des retraites, l'âge de départ étant, pour elles, finalement maintenu à 62 ans. La loi n'aura donc pas d'effets importants pour les assurés sociaux invalides, tant pour ceux qui l'étaient au moment de l'entrée en vigueur de la réforme que pour ceux qui le deviendraient après.
Néanmoins, il convient de ne pas se réjouir trop vite dans la mesure où le recul de l'âge de la retraite entraînera inévitablement un vieillissement de la population active, tel est d'ailleurs son objectif, avec désormais un âge légal de la retraite de 64 ans qui rejoint celui de l'espérance de vie en bonne santé de 63,9 ans.
Dans ces conditions, les assureurs craignent une hausse des prestations de prévoyance en cas de décès, dont le risque augmente avec l'âge, mais également au niveau de l'assurance maladie avec une population active de plus de 60 ans très consommatrice de soins, notamment en dentaire et optique, et qui risque aussi de tomber plus souvent malade. Comme le souligne le récent baromètre ayming AG2R La Mondiale, le taux d'absentéisme s'accroit lui aussi avec l'âge. En 2021, il s'élevait à 4,78 % pour les 26-30 ans, à 6,06 % pour les 41-50 ans et à 9 % pour les 56 ans et plus.
« En tenant compte des arrêts de travail, certaines études tablent sur une hausse de 0,5% par an sur huit ans des coûts d'indemnisation pour les assureurs pouvant être répercutés sur les primes. Les chiffres de progression sont un peu plus faibles, autour de 0,3% par an, pour ce qui concerne la dérive des dépenses de santé à horizon 2030 », indique Norbert Gautron, le président de la société Galea.
Inquiétudes sur les assurances emprunteurs
Avec le décalage de deux ans, la sinistralité des acquéreurs peut potentiellement s'accentuer et certains organismes de crédit ont déjà alerté sur le risque d'augmentation du coût des assurances emprunteurs qui comportent des garanties de prévoyance, décès, invalidité, incapacité et chômage. Cette hausse pourrait être similaire à celle observée pour les cotisations de prévoyance collective en entreprise, en raison des mêmes facteurs. Les raisons évoquées sont les mêmes que pour les contrats de prévoyance collective en entreprise.
Faut-il s'alarmer outre mesure ? Pour l'heure, il semble un peu tôt pour tirer des conclusions. « En assurance emprunteur, nous nous situons sur le terrain individuel avec des mécanismes différents de ceux des contrats collectifs des salariés. Les aspects sélection ou non à l'entrée et le contour des exclusions de garanties font qu'il est difficile de se prononcer d'autant que la loi Lemoine, sur la résiliation infra-annuelle de l'assurance emprunteur, rebat un peu les cartes », estime Norbert Gautron.
En conclusion, il est un peu prématuré pour avoir une vision totalement négative de la nouvelle réforme des retraites sur les comptes sociaux et les bilans des assureurs. Mais il est clair que le fait de devoir travailler plus longtemps entraîne une forte probabilité de conduire à un transfert de charges entre les acteurs de la protection sociale publics ou privés. Economie d'un côté, surplus de dépenses de l'autre, rendez-vous en 2030 pour faire le bilan de la réforme sur l'ensemble des dépenses sociales, sur les comptes des administrations publiques et de l'assurance chômage.